Au Chili, comme aussi beaucoup plus près de nous, gouvernement et entreprises ont profité de la crise sanitaire pour faire progresser certains projets qui, en temps normal, auraient fait face à des oppositions beaucoup plus nourries.
Déclaration publique du Mouvement pour l’eau et les territoires (MAT).
Depuis la mi-mars, nous vivons une situation très difficile. La crise sanitaire, économique et sociale frappe plusieurs territoires, mais il n’existe aucune limite aux ambitions des entreprises extractivistes, qui augmentent d’une manière scandaleuse le nombre de leurs projets inscrits, à des fins d’évaluation, dans le Système d’évaluation de l’impact environnemental (SEIA).
L’Observatoire latino-américain des conflits environnementaux (OLCA) a analysé dans un de ses rapports le nombre de projets enregistrés dans le SEIA, entre le 1er mars et le 15 mai, tant par le biais de la Déclaration d’impact environnemental (DIA) comme de l’Étude d’impact environnemental (EIA), en le comparant au nombre de projets inscrits durant les trois années antérieures aux mêmes dates.
Les résultats sont alarmants. En 2020, on compte en moyenne 2,5 fois plus de projets inscrits qu’au cours des années précédentes. S’agissant des montants investis, la différence est encore plus scandaleuse. Pour 2020, ils apparaissent sept fois plus élevés que les années précédentes. Autrement dit, nous assistons à une intensification accélérée et éhontée de l’extractivisme dans les territoires.
L’état d’urgence, les cordons sanitaires, la fracture numérique, les quarantaines obligatoires ou facultatives et, d’une manière générale, la précarisation de la vie induite par la dégradation de la santé, de l’approvisionnement et de l’emploi entraînent des restrictions pour les agents de l’État et les collectivités pour s’informer, se mobiliser et engager des actions face à cet afflux de projets, ce qui les rend encore plus démunis et les prive du droit de formuler des observations ou de prendre d’autres mesures en réaction à cet afflux. Plus grave encore, on constate que 90 % des projets sont enregistrés par la voie de la DIA, mécanisme qui ne s’accompagne pas d’un processus de participation citoyenne garanti.
La situation de Putaendo, Commune chilienne située dans la région de Valparaíso, est le reflet du fonctionnement du SEIA en période de pandémie. Le 17 mars, les autorités ont refusé à la population le droit à une participation citoyenne en matière d’environnement, au motif que l’activité ne lui causera pas de problèmes environnementaux. Ultérieurement, le lundi 18 avril, la Commission d’évaluation environnementale de Valparaíso a tenu une réunion virtuelle et a approuvé à l’unanimité la DIA qui autorise la compagnie minière Vizcachitas Holding, propriété de la société canadienne Andes Cooper, à réaliser 350 sondages (forages) dans la partie haute de la Cordillère de Putaendo, territoire qui abrite plus de 100 glaciers rocheux où prend naissance le río Rocín, principal affluent du río Putaendo.
Pour remédier à ces situations, un projet de loi a été déposé qui visait à suspendre temporairement les délais concernant la participation citoyenne et la consultation des Indiens dans le cadre du SEIA, y compris les délais à respecter pour saisir lesdites instances de participation. Cependant, le projet a été rejeté par la Chambre des députés le 12 mai – avec 64 voix pour, 71 voix contre et 19 abstentions – parce qu’ils n’étaient pas disposés à bloquer un investissement équivalent à la somme inespérée de 22 milliards de dollars que représentent les DIA (sans tenir compte des EIA) actuellement en cours de qualification environnementale.
Nous dénonçons les agissements abusifs des entreprises et la complicité de l’État et du Parlement face cette situation, dont l’objectif est de préparer la voie aux investisseurs, en restreignant, pour les personnes et les communautés qui risquent d’être touchées par les projets, la possibilité d’exercer leurs droits, et en réduisant encore davantage la capacité déjà fragile du Service d’évaluation environnementale (SEA) d’évaluer les effets environnementaux de ces projets.
Nous, territoires en résistance, ne permettrons pas que l’on continue de porter atteinte aux droits des êtres humains et de la nature. Pour cette raison, nous nous plaçons dans l’optique d’une transition vers une nouvelle économie post-extractiviste, qui protège les diverses formes de vie et les équilibres naturels.
Dial : Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3535.
Traduction de Gilles Renaud pour Dial.