Maw Kwee est un petit village Karen d'environ 50 maisons situé à la frontière birmane-thaï côté Thaïlande, le long de la route qui suit la rivière frontalière Moei, à environ 125 km au nord de Mae Sot au nord-ouest de la Thaïlande.
Toutes les familles sont composées de réfugiés Karen de Birmanie et beaucoup vivent ici depuis très longtemps.
Beaucoup d'entre eux n'ont toujours pas de papiers. Les autorités thaïlandaises tolèrent leur présence, mais ne leur fournissent pas de services comme l'électricité et l'eau courante.
Notre correspondante est en relation avec ce village depuis de nombreuses années. Elle y effectue des soins de santé et divers petits projets. Ces dernières années, toutes les maisons de ce village ont notamment reçu un filtre à eau (pour améliorer la qualité de l’eau puisée et éviter certaines maladies notamment infantiles) financé par ICRA.
Objectifs :
Une partie du village (environ 30 maisons) n’a pas l'eau courante et leurs habitants doivent chaque jour aller puiser l'eau de la rivière pour cuisiner et boire. Les habitants effectuent également leur toilette dans cette rivière.
Ils peuvent obtenir de l'eau potable d'une source située à environ 1 km du village.
Par ailleurs, certaines maisons n'ont toujours pas de toilettes, ou elles sont très anciennes et en mauvais état.
Ils demandent une aide pour acheter les matériaux pour 10 toilettes avec douche et pour transporter l'eau de la source vers un réservoir central, d'où les familles connecteront leur maison.
Les habitants contribueront en main-d'œuvre.
• pour les toilettes et les douches : construction de l’abri, de la latine et du système de douche.
• pour le transport de l’eau : raccordement de la source à 2 réservoirs d'eau construits aux abords des maisons en utilisant 300 tuyaux de 4 mètres chacun. Chaque maison se connectera ensuite à ces réservoirs d'eau à ses propres frais.
Les familles ont déjà désigné une personne pour entretenir le système (en effet, les canalisations en bambou restent fragiles et peuvent être par exemple endommagées notamment par les animaux et les passages). Cette personne sera rémunérée par les familles.
Budget :
Le budget prévisionnel est de 2522€
(1750€ de matériaux pour construire les 10 toilettes/douches et 772€ de matériaux pour le transport de l’eau et la construction des deux réservoirs).
Réalisation 2022 :
Grâce au soutien de deux généreux donateurs, nous avons réuni la somme de 2500€ nécessaires à l’achat des matériaux (réservoirs, tuyaux, canalisations, briques, etc.).
Pendant les mois de mars à mai 2022 (avant le début des pluies), les villageois ont réalisé les travaux : les tuyaux ont été acheminés de la source aux réservoirs puis des réservoirs à chaque maison. Le travail a été effectué gratuitement par les villageois.
Arrivée d'eau dans les maisons du village
Dix toilettes - douches simples mais fonctionnelles ont été réalisées. Une personne a été choisie pour l’entretien du réseau et les familles ont accepté de lui payer une petite somme tous les mois.
Ce projet fait gagner beaucoup de temps aux femmes et aux enfants, qui n’ont plus à se rendre à la rivière pour aller chercher de l’eau tous les jours. Les toilettes améliorent grandement la santé publique.
Rappel
A la demande des communautés Karen et Karenni, ICRA a mis en place depuis une vingtaine d’années plusieurs programmes de soutien : en 1993, un programme d’aide à l’autosuffisance alimentaire est initié dans un camp de réfugié Karenni et depuis 2002 plusieurs programmes de soutien (scolarisation, aide alimentaire et sanitaire) en faveur des enfants Karen et des populations Karen sont menés en Thaïlande et en Birmanie.
Contexte : Les Karen, un peuple sans terre
Fuyant depuis plusieurs décennies les combats et les exactions en Birmanie, des centaines de milliers de personnes, appartenant pour beaucoup au peuple Karen, ont trouvé refuge en Thaïlande le long de la frontière birmane, soit dans des camps de réfugiés, soit dans des villages clandestins.
En effet, si une partie des Karen fuyant la dictature birmane a trouvé refuge dans les camps de réfugiés le long de la frontière thaïlandaise où s’entassent aujourd’hui environ 150000 réfugiés dans des conditions de vie difficiles (forte densité, produits de première nécessité fournis par des organisations caritatives, mise en culture des terres interdite, sorties des camps très contrôlées, oisiveté, alcoolisme, etc.), de nombreux Karen ont choisi, depuis une vingtaine d’années, de s’installer en dehors des camps qu’ils considèrent comme des prisons, dans des villages de fortune près de la frontière.
La vie dans ces villages clandestins demeure précaire et les familles sont bien souvent à la merci des propriétaires thaïlandais qui leur ont mis à disposition des terres pour construire de petites maisons. Les hommes et bien souvent les femmes travaillent dur pour un très faible salaire dans les champs des propriétaires thaïlandais, cultivant notamment le maïs, la canne à sucre, le riz, le manioc. Ces communautés demeurant assez éloignées des villes, les commerçants en profitent très souvent pour leur vendre le riz, base de l’alimentation, à un prix très élevé. Quand elle le peut, notre correspondante, médecin, lors de ses visites médicales régulières dans les villages, leur apportent du riz à prix coûtant afin de les aider à réduire leurs dépenses alimentaires.
Dans les villages proches de la frontière, certains réfugiés passent régulièrement la frontière pour travailler leurs champs en Birmanie mais regagnent leur village avant la nuit. En Thaïlande, beaucoup de Karen ont même été obligés de quitter leur terre car n’ayant pas de titre de propriété, les autorités leur ont demandé de racheter leur terre, ce que la plupart, faute de moyen, n’ont pu réaliser.
“Avant, ce territoire était Karen” affirmait une vieille dame Karen qui avait toujours vécu en ces lieux. “Les Karen y pratiquaient l’agriculture sur brûlis dans la forêt qui était luxuriante à l’époque, c’était notre terre. A présent, l’armée karen a perdu ce territoire, les thaïlandais ont tracé des routes, pris les terres et coupé les arbres : nous avons perdu notre mode de vie et nous sommes à présent exploités sur nos propres terres”.
Notre correspondante, secondée par ses aides médicaux, visitent régulièrement bon nombre de ces villages clandestins pour y prodiguer les soins médicaux nécessaires et apporter conseils et réconfort à des familles isolées et précarisées. Les pathologies sont nombreuses et le plus souvent assez lourdes : tuberculose, malaria, épilepsie, diabète, etc.
Depuis fin 2021, l'armée birmane a repris ses bombardements sur les villageois Karen notamment dans la région de Lay Kay Kaw. Plus de 4 000 personnes ont été contraintes de quitter leurs maisons, certaines d’entre elles ont tenté de traverser la frontière pour se mettre en sécurité en Thaïlande.
ICRA a envoyé début 2022 une aide d’urgence (400 couvertures et de la nourriture) pour soutenir les nouveaux déplacées qui traversent la frontière en ce moment et surtout les déplacés qui ne peuvent pas se rendre en Thaïlande et doivent rester cachés dans les forêts de l'État Karen à l’écart des villages.
Illustrations :
- Maison en bambou, village de Maw Kwee, février 2022
- Rivière dans les environs du village de Maw Kwee, février 2022
- Soutien médical dans un village clandestin, 2014.