Les homes indiens de Guyane, huit au total, étaient des pensionnats créés et dirigés par l’Église catholique et soutenus par l’État. Les enfants issus des communautés autochtones, dont le nombre est estimé à environ 2000, y furent placés pour être scolarisés. Leur plus forte activité s’étend de la fin des années 1940 au début des années 1980, le dernier home n’ayant fermé ses portes qu’en 2023. Aujourd’hui encore, la question de la scolarisation des enfants amérindiens n’a pas trouvé de réponses satisfaisantes.
Alexis Tiouka, ancien pensionnaire et juriste kali’na, et l’ouvrage d’Hélène Ferrarini, Allons enfants de la Guyane (Anacharsis, 2022) ont contribué à ramener, dans l’espace et le débat publics guyanais et hexagonal, le passé des homes indiens, ainsi qu’à libérer la parole des anciens pensionnaires, qui, pour la plupart, taisaient jusque-là leur vécu. Dans ce contexte, le Collectif pour la mémoire des homes indiens, qui réunit notamment d’anciens pensionnaires, a été fondé à Cayenne, en février 2023.
L’un de ses objectifs est « la mise en place d’une Commission Vérité et Réconciliation pour aller vers une résilience individuelle et collective ». De son côté l’IFJD-Institut Louis Joinet a conduit une enquête exploratoire, concluant à la nécessité de mettre en place une Commission Vérité, dans un rapport préliminaire publié en février 2024.
Si les témoignages récoltés permettent de conclure à l’existence de certaines formes de violence au sein des homes, ils doivent être complétés, d’autant plus qu’ils révèlent un ressenti contrasté parmi les anciens pensionnaires. La nature et le nombre des violences doivent donc faire l’objet d’une investigation approfondie, y compris concernant d’éventuelles violences sexuelles.
Les caractéristiques des homes indiens en font en effet des institutions à risques de violences commises contre les enfants, en tant que pensionnats autochtones, inscrits dans une histoire coloniale, d’une part, et internats scolaires catholiques, d’autre part. Or, les travaux menés dans de nombreux pays, notamment au Canada, en Irlande et en France, ont établi que ces lieux peuvent être propices à des violences massives.
L’établissement de la vérité est un droit des pensionnaires, de l’Église et de l’État, ainsi qu’un devoir pour la société française. Il est un préalable indispensable, le cas échéant, à des mesures de réparation adaptées, ainsi qu’à des réformes garantissant la non-répétition des violences. Il pourrait alors contribuer à restaurer les droits des communautés concernées, ainsi qu’à renouer un vivre-ensemble plus satisfaisant pour tous. Les Commissions Vérité ont d’ores et déjà fait leur preuve pour répondre à des problématiques voisines, dans des contextes variés, en raison de leurs caractéristiques.
Dès lors, nous soutenons la demande faite à l’État de mettre en place une Commission Vérité, afin qu’une vérité complète et partagée soit établie concernant les violences culturelles, physiques et sexuelles commises à l’encontre des pensionnaires au sein des homes indiens de Guyane de 1935 à 2023. Il est essentiel que les communautés concernées occupent pleinement la place qui leur revient légitimement, à tous les stades d’un tel processus.
IFJD-Institut Louis Joinet