Le 4 octobre dernier, 53,3 % des Calédoniens se sont prononcés contre l’indépendance de l’archipel. Ce deuxième référendum, prévu dans le cadre des accords de Nouméa signés le 5 mai 1998, ravive les débats sur la souveraineté et la citoyenneté de ce territoire d’outre-mer.
Ce deuxième passage aux urnes nous donne l’occasion de revenir sur deux siècles d’une histoire mouvementée. De 1863 à 1999, 13 statuts juridiques ont en effet été appliqués à la Nouvelle-Calédonie. Cette instabilité institutionnelle entraînera différentes vagues d’immigration ainsi qu’une réduction de la moitié (45 000 à 27 000) de la population kanake entre 1866 et 1921.
Du bagne calédonien…
Découverte en 1774 par le navigateur britannique James Cook, la Nouvelle-Calédonie est progressivement évangélisée, avant sa prise de possession par le contre-amiral Febvrier Despointes le 24 septembre 1853, sous les ordres de Napoléon III.
Dix ans plus tard et conformément à la loi du 30 mai 1854 sur l’exécution de la peine des travaux forcés, la Nouvelle-Calédonie devient une colonie pénale. Au total, 22 542 transportés (condamnés à réaliser une peine de travaux forcés) et 3 796 relégués (multirécidivistes) sont envoyés à 18 000 kilomètres de la métropole. À ces prisonniers de droit commun s’ajoutent 4 253 déportés à la suite des événements de la Commune de Paris. Louise Michel sera notamment exilée sept ans en Nouvelle-Calédonie.
L’article 17 du code pénal de 1810 dispose que la peine de déportation « consiste à être transporté et à demeurer à perpétuité dans un lieu déterminé par le gouvernement, hors du territoire continental de l’Empire ». Le 23 mars 1872, l’Assemblée nationale ratifie les propositions du gouvernement d’Adolphe Thiers afin d’exiler les insurgés. Après cinq mois de traversée en cage sur des navires de guerre, les condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée débarquent sur la presqu’île de Ducos ; les déportés simples sont quant à eux exilés sur l’île des Pins.
Ce choix est vivement critiqué par le gouverneur Gaultier de la Richerie. La France avait en effet conclu quelques années plus tôt une convention avec le grand chef Vendegou de la tribu des Kouniés, habitants de l’île des Pins. L’île continuait d’être gouvernée par son chef tout en étant placée sous l’administration française. Les Kouniés étaient très attachés à leur terre et le gouverneur craignait leur réaction face à l’arrivée des déportés politiques. Il suggère alors de déplacer les membres de la tribu de la côte ouest vers la côte est afin de recevoir les déportés.
Si les Kouniés conservent plus de deux tiers du territoire, cet épisode est le premier d’une longue série d’expropriations. Ces spoliations engendrent plusieurs révoltes locales qui mènent à l’insurrection du 25 juin 1878 orchestrée par le grand chef Ataï contre les expropriations réalisées au profit des bagnards. Dépassant les divisions linguistiques, géographiques et sociales, les Kanaks s’organisent à grande échelle afin de s’opposer à la machine coloniale. La rébellion dure dix mois ; plus de 1 200 Kanaks sont tués, dont une grande partie de dirigeants.
… au cantonnement de la population kanake
La mise en place d’une politique de cantonnement par le gouvernement français à la même époque alimente le climat insurrectionnel. Une réorganisation foncière est en effet envisagée afin de pallier le poids néfaste de la pénitentiaire sur la colonisation de peuplement. En reléguant les Kanaks dans des réserves indigènes, l’administration coloniale souhaite favoriser l’arrivée de nouveaux colons en leur attribuant les terres les plus fertiles...
Clotilde Fontaine
The Conversation, France