Si la pandémie semble être sous contrôle dans les premiers pays touchés, les cas de Covid-19 se multiplient dans les pays du sud notamment en Amérique latine et en Afrique.
Les communautés autochtones isolées, notamment en Amazonie, qui manquent de résistances immunitaires face aux maladies extérieures, sont particulièrement vulnérables.
La situation des autres communautés autochtones, malgré leur isolement relatif, est également préoccupante, notamment à cause de leur mode de vie communautaire, de l’absence d’information, de l’absence ou de l’éloignement des services de soins.
Pour les Aka, le mieux est de s'isoler en forêt...
Au Congo Brazzaville, notre correspondant, Sorel Eta, ethno-musicologue spécialiste des populations Aka du département de la Likouala, déplore le fait qu'il n'y ait eu aucune campagne de sensibilisation auprès des peuples autochtones depuis l'arrivée de la pandémie au Congo, il y a près d'un mois. Il a interpelé les autorités, notamment le ministère de la Justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones pour qu’il organise avec le Comité scientifique une campagne de sensibilisation en langue locale et en langue autochtone non seulement chez les Aka, mais également dans tous les départements du Congo où vivent des populations autochtones.
"Lorsque le président de la République a prononcé le discours du 28 mars sur les mesures à prendre contre le Covid-19, un certain nombre de personnes, peut-être infectées, ont quitté les grandes villes pour retourner aux villages. Pour certaines communautés comme les communautés forestières, l'idéal est de se réfugier au coeur de la forêt et d'attendre la fin de la pandémie”
Par ailleurs, pour Sorel Eta, “les scientifiques occidentaux n'ont pas le monopole de la connaissance et il serait bon de faire appel aux savoirs des autochtones en matière de médecine traditionnelle pour trouver ensemble une riposte au Covid-19”.
Premières victimes autochtones en Amazonie
Au Brésil, la septième mort d’un autochtone par Covid-19 a été confirmée. Un Tuxaua (chef) de 67 ans du peuple Satere Maué est mort le 17 avril, dans le département de Maués, dans l’État d’Amazonas. La grande majorité des cas confirmés de covid-19 parmi les autochtones se trouvent dans l’État d’Amazonas, qui a déjà déclaré l’effondrement de son système hospitalier en raison de l’augmentation des cas de coronavirus dans sa population.
Le Covid-19 a un terrain fertile pour se propager rapidement parmi les populations qui vivent en Amazonie, comme toutes maladies transmissibles contre lesquelles elles ont peu voire pas de défense immunologique.
Selon le National Géographic, Le nombre total d'infections confirmées parmi les tribus du pays s'élève désormais à sept, réparties dans trois États amazoniens. Parmi eux, quatre membres de l'ethnie kokama ont contracté le virus par le biais d'un médecin du service de santé indigène.
Dans l'État de Pará, dans le centre-nord de l'Amazonie, des tests post-mortem ont confirmé qu'une femme Borari de 87 ans était décédée des suites du Covid-19.
Le ministère public fédéral brésilien a par ailleurs alerté l'opinion publique le 8 avril du “risque de génocide“, alimentant des allégations selon lesquelles la FUNAI, la Fondation nationale de l'Indien, l'organisme gouvernemental brésilien qui élabore et applique les politiques relatives aux peuples indigènes, aurait peu fait pour protéger les communautés autochtones de la propagation du coronavirus. Le ministère public fédéral a également réitéré son appel à la destitution immédiate de Ricardo Lopes Dias, missionnaire évangélique nommé en février par la FUNAI pour diriger le département des Indiens isolés et récemment contactés.
Les experts estiment, maintenant plus que jamais, que garder les communautés autochtones à distance des étrangers est le meilleur moyen de les protéger. “À mon avis, le seul plan d'urgence qui garantirait la survie de ces groupes est l'expulsion des envahisseurs et la protection de toutes les terres où il y a des indications de la présence d'isolados”, déclare Douglas Rodrigues, spécialiste de soins de santé autochtones de l’université de São Paulo.
Auto-organisation communautaire
En l'absence d'une action gouvernementale forte, certaines tribus se sont organisées pour endiguer la propagation de la pandémie.
Selon nos correspondants sur place, les Yawalapiti du parc national du Xingu dans le centre de l’Amazonie ne semblent pas touchés par l’épidémie. Par mesure de précaution, il ont interdit l’accès à leurs villages.
Le long de la rivière Xingu, les Kayapós ont conclu un accord avec les mineurs pour qu'ils cessent leurs activités et se retirent de leur territoire. Le long de la rivière Tapajós, dans l'État de Pará, les Mudurukus ont affiché des pancartes interdisant l'entrée aux visiteurs non autorisés. Les patrouilles de vigilance ont redoublé d'efforts pour protéger le territoire indigène de Raposa do Sol à Roraima, même si les membres de la patrouille pratiquent eux-mêmes des mesures de distanciation sociale.
Mais d'autres rapports suggèrent que des mineurs illégaux, des bûcherons et des personnes s'accaparant illégalement des terres pourraient utiliser la crise sanitaire comme couverture pour intensifier les incursions dans les territoires autochtones.
Le 31 mars, Zezico Rodrigues, chef du peuple Guajajara, a été retrouvé mort à l'extérieur de son village. Les enquêteurs n'ont pas encore trouvé de suspect, mais la guerre farouche qui oppose les Guajajaras et des bûcherons entrés illégalement sur les terres indigènes a déjà fait cinq morts parmi les autochtones depuis novembre dernier.
Les partisans de Bolsonaro pourraient-ils voir dans la crise sanitaire une occasion inattendue de repousser les tribus isolées et de s'emparer de leurs ressources ?
“Je pense que c'est une possibilité à envisager, compte tenu de l'échec du gouvernement à mettre en œuvre les mesures de protection des populations autochtones dans un temps raisonnable”, estime Sydney Possuelo, vétéran de la FUNAI qui milite depuis toujours pour maintenir les étrangers à distance des tribus brésiliennes non contactées - une politique qui existe toujours, malgré l'intention déclarée de Bolsanaro d'intégrer les groupes dans la société nationale et d'exploiter les richesses de leurs terres.
Pourtant, il semble que le judiciaire vienne au secours des communautés d'Amazonie : en effet, il y a quelques jours, un juge fédéral a interdit aux missionnaires évangéliques d’entrer en contact avec les peuples indigènes d’Amazonie, particulièrement vulnérables aux virus importés.
Expulsion d'Embara de leur logement à Bogota
Même si le ministre de l’Habitation de Colombie a affirmé que les “évictions étaient interdites durant les mesures prises contre la pandémie”, la réalité est toute autre pour les autochtones. En effet, plus de 500 familles de la communauté Emberá ont été expulsées de leurs logements à Bogota. Cette communauté qui survit grâce à la vente de produits artisanaux et de fruits et légumes afin de pouvoir payer les loyers ne peut plus travailler car les activités informelles ont été interdites pour toute la durée du confinement.
La pandémie progresse chez les autochtones au Canada
Selon Radio Canada, 40 personnes des communautés des Premières Nations, dont 4 en Saskatchewan, 11 en Ontario et 25 au Québec, ont été déclarées positives en date du 9 avril, et 5 cas sont aussi à déplorer chez les Inuit du Nunavik. D’autres personnes attendent le résultat de leur test.
“Aucune raison de se réjouir, on en est au tout début”, craint le ministre Miller en précisant que plusieurs facteurs influencent l’éclosion du virus. Il mentionne les cas déclarés dans des communautés autochtones plus à risque de par leur proximité avec des villes, par exemple Kahnawake au Québec et Six Nations en Ontario.
“L’important dans tout ça, c’est d’agir vite”, dit Marc Miller qui conseille de se fier d’abord et avant tout au leadership médical dans la communauté et de “suivre à la lettre les plans de pandémie présents dans 90 % des communautés autochtones”.
Le ministre insiste également sur les “mesures agressives d’hygiène” à prendre pour prévenir l’entrée du coronavirus dans les communautés.
ICRA International
Situation au 26 avril 2020
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