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Kanaky : Victoire du non au référendum sur l'autodétermination 

Le référendum organisé le 4 novembre en Kanaky-Nouvelle-Calédonie s’est soldé par la victoire du « Non » à la question « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». 
Pas de surprise, même si l'ampleur de la victoire du « Non » est moindre qu'annoncé par les sondages. Le scrutin était en effet taillé pour un succès du « Non », avec notamment une liste électorale enregistrant le processus de colonisation à l’œuvre depuis un siècle et demi, qui a fait des Kanak une minorité dans leur propre pays, où ils représentent désormais moins de 40 % de la population totale. 

À l’occasion de ce référendum, qui n’avait donc rien à voir avec un scrutin d’autodétermination, lequel devrait concerner en premier lieu le peuple colonisé, le camp indépendantiste s’était divisé entre un appel à voter « Oui » à l’indépendance et un appel à la non-participation. Les critiques à l’égard du processus initié à l’occasion des accords de Nouméa (1998) sont nombreuses, avec notamment le constat du maintien d’une situation d’inégalité structurelle en défaveur des Kanak. Ainsi, alors qu’en moyenne 17% des ménages calédoniens vivent sous le seuil de pauvreté, ce taux atteint 52 % dans les îles Loyauté et 35 % dans la province Nord, contre 9 % dans la province Sud, où la communauté européenne est la plus nombreuse.

Ainsi, dans un territoire riche en ressources naturelles, notamment minières, les inégalités sociales se confondent avec les inégalités ethno-raciales. Le « transfert des compétences » et l’effort pour le développement, promis par les accords de Nouméa, n’ont pas été au rendez-vous. Le Sénat coutumier parle de « peuple sinistré ».

Colonialisme de peuplement 
La colonisation de la Nouvelle-Calédonie-Kanaky répond aux critères de ce que les chercheurs ont défini comme un « colonialisme de peuplement », qui se distingue du colonialisme classique par le fait que l’objectif de la puissance coloniale n’est pas la « simple » exploitation économique de la population autochtone, mais bien son remplacement par une majorité de colons venus de la métropole. Patrick Wolfe, chercheur en histoire à l’université de La Trobe (Australie), explique ainsi que « le colonialisme de peuplement a deux caractéristiques principales. Premièrement, il est gouverné par une logique d’élimination. Les colons viennent pour rester. Leur mission première n’est pas d’exploiter les autochtones mais de les remplacer. Deuxièmement, l’invasion n’est pas événementielle, mais structurelle. Au-delà de la violence fondatrice de l’expropriation territoriale, les autochtones qui ont survécu sont soumis à une variété de stratégies au moyen desquelles la société coloniale cherche à les éliminer. »
Et si, au cours d’un 20e siècle marqué par les luttes anticoloniales, les politiques de colonialisme de peuplement ont cessé de se traduire par des pratiques d’extermination des populations indigènes, elles n’en sont pas moins demeurées, à l’instar de ce qui s’est passé en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, des entreprises de domination spécifiques, qui passent notamment par une « bataille démographique » visant à instaurer un processus irréversible de minorisation des populations indigènes. 

En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, il existe ainsi une continuité entre les politiques ultraviolentes de la fin du 19e siècle (qui a vu la population Kanak passer de 45 000 à 27 000 entre 1887 et 1901), et les vagues de colonisation venues de la métropole, à grands renforts d’avantages fiscaux et salariaux pour les colons. Dans un courrier daté du 19 juillet 1972, le Premier ministre Pierre Messmer écrivait ainsi à son secrétaire d’État aux DOM-TOM : « La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique. À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés. À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants. »
Des propos explicites qui, plus de 45 ans plus tard, amènent à porter un regard particulièrement méfiant sur le référendum du 4 novembre qui, s’il peut être considéré comme le produit indirect et déformé des luttes du peuple kanak pour son indépendance, n’en demeure pas moins un « moment » institutionnel que la puissance coloniale ne redoute guère tant elle s’est assurée une supériorité démographique et, partant, électorale, qui a fait des Kanak une minorité dans leur propre pays, où ils représentent moins de 40 % de la population totale (sur un peu plus de 270 000 habitants). 

Un modèle économique colonial
Une minorité numérique, mais aussi une minorité économique et sociale, dans la mesure où, malgré les promesses formulées en 1989 et réitérées en 1998, le « développement » n’a, au total, pas bénéficié à la population kanak. Les chiffres sont à cet égard explicites, et montrent à quel point, dans un territoire pourtant riche en ressources naturelles, notamment minières, les inégalités sociales se confondent avec les inégalités ethno-raciales : selon les chiffres rapportés par Mina Kherfi, de l’Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE), le taux de chômage est de 26 % chez les Kanak, contre 7 % chez les non-Kanak, tandis que 85 % des chefs d’entreprise et 75 % des cadres supérieurs sont des métropolitains ; on pouvait en outre lire en décembre 2017 dans le Figaro, peu suspect de sympathies indépendantistes, que « 17 % des ménages calédoniens, soit 53 000 personnes, vivent sous le seuil de pauvreté calédonien (600 euros par mois), soit deux fois plus qu’en France métropolitaine », mais surtout « [qu’]au sein même de l’archipel, les écarts sont énormes. Ce taux de pauvreté atteint 52 % dans les îles Loyauté, 35 % dans la province Nord contre 9 % dans la province Sud. » Lorsque l’on sait que les populations kanak se concentrent dans les deux premières provinces, on mesure l’ampleur des disparités…  
Source : npa

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