Le nouveau gouvernement de Lula, qui s’est, dès le début de son mandat, présenté sur la scène internationale en défenseur de l’Amazonie, va devoir se prononcer sur le renouvellement de la licence d’exploitation du barrage de Belo Monte octroyée à Norte Energia, alors que celle-ci est très loin de respecter les conditions exigées pour prévenir ou réduire les dommages de la construction et de l’exploitation de la centrale hydroélectrique.
Comme un gigantesque boomerang d’acier et de béton, le barrage hydroélectrique sur le rio Xingu est de retour sur la table du nouveau gouvernement.
Pour une icône de gauche et un parti de gauche, rien ne peut être pire que de faire face à un héritage de violations des droits humains. Pour une icône de la gauche qui s’est lancée en défenseur de l’Amazonie sur la scène internationale, rien ne peut être plus dangereux qu’une catastrophe écologique avec ses empreintes sur la plus grande forêt tropicale de la planète. L’importance du Brésil sur la scène mondiale est directement liée à l’Amazonie – autant qu’aux investissements internationaux. C’est vrai aussi pour la popularité de Lula dans un monde également hanté par la crise climatique. C’est tout le sens du renouvellement de la licence d’exploitation de Belo Monte, pour le président Luiz Inácio Lula da Silva et pour le parti des Travailleurs. Belo Monte est un vaste complexe hydroélectrique sur le rio Xingu, à Altamira (Pará).
Aujourd’hui, Lula et le PT sont de retour au gouvernement après quatre ans de fascisme. Et, malgré tous les contretemps, le PT est le seul des partis nés dans la période de redémocratisation qui ait survécu en tant que parti. S’il est possible de surmonter la corruption passée, surtout maintenant que Lula porte l’espoir de millions de Brésiliens retrouvant leur pays, il y a quelque chose qui ne pourra pas être oublié. Et ce quelque chose s’appelle Belo Monte.
Conçue et mise aux enchères pendant les deux premiers mandats de Lula (2003-2010), construite sous le gouvernement de Dilma Rousseff (2011-2016), la centrale hydroélectrique de Belo Monte est devenue un symbole international de destruction humaine et environnementale en Amazonie. Imposée aux peuples de la forêt et de la ville d’Altamira, dans le Pará, la centrale fait l’objet de 29 actions du ministère public fédéral. (…)
Lula et la plupart des membres du PT ont du mal à assumer la vérité sur Belo Monte. Mais il n’y a pas d’échappatoire. Aujourd’hui, 130 kilomètres de l’une des régions les plus riches en biodiversité de l’Amazonie, appelée Volta Grande do Xingu, s’assèchent et mettent en danger la vie de trois peuples autochtones, de communautés traditionnelles et de centaines d’autres espèces. Aujourd’hui encore, les familles riveraines, dont les îles ont été noyées et les maisons incendiées, n’ont pas encore été réinstallées à côté du lac-réservoir de l’usine, ce qui a causé la faim, la maladie et la mort. Altamira est devenue l’une des villes les plus violentes du Brésil, et les enfants expulsés de la forêt sont devenus des adolescents dans des périphéries dominées par le crime organisé.
Le renouvellement de la licence d’exploitation pourrait être l’occasion pour Lula et le PT de changer le récit de leur héritage en Amazonie, désormais fortement polluée par Belo Monte. Il n’y a plus désormais de réparation possible pour la destruction socio-environnementale produite par la centrale hydroélectrique. Mais le renouvellement de la licence pourrait être l’occasion pour l’État de forcer enfin Norte Energia, le concessionnaire de Belo Monte, à respecter ses obligations légales : sur les 47 mesures qui auraient dû prévenir ou réduire les dommages de la construction et de l’exploitation, seules 13 ont été entièrement respectées. Il est inacceptable que ce gouvernement renouvelle le permis de l’usine sans le plein respect des conditions, qui n’ont jamais été mises en œuvre.
Aujourd’hui, la centrale hydroélectrique séquestre 70% de l’eau de la Volta Grande do Xingu, empêchant la reproduction de la plupart des espèces, entraînant la mort de millions de poissons et condamnant les habitants de la région à la famine. Il est impératif que le gouvernement remplisse son obligation de procéder à un partage écologiquement viable de l’eau, dans lequel la vie s’impose, sans équivoque, comme premier principe. Aujourd’hui, les familles vivant sur les rives du rio, reléguées en périphérie des agglomérations depuis plus d’une décennie, réclament justice et, depuis au moins six ans, attendent un territoire aux bords du rio qui leur redonnerait leur mode de vie et sauverait leurs enfants de la séduction du crime organisé. Chaque jour de plus sans territoire sur les bords du rio peut signifier une vie de moins. Et chacune d’elle restera en mémoire et fera l’objet d’une demande de justice. Il est grand temps que la Constitution s’applique enfin à Belo Monte…
Eliane Brum
Traduction de Pedro Picho
Source : www.dial-infos.org