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Pérou : les gouvernements autonomes amazoniens 

En Amazonie péruvienne, quinze processus d’autonomie territoriale sont en cours, depuis qu’en 2015 les Wampis ont lancé le premier, avec l’objectif de contrôler leur territoire ancestral et de freiner l’invasion des acteurs de l’extractivisme. Dans la zone nord, près de la frontière avec l’Équateur, les nations wampis, awajún, chapra, shawi, kokama, inga ont constitué jusqu’à neuf gouvernements autonomes qui s’étendent sur dix millions d’hectares, tandis que d’autres peuples ont entrepris d’en créer aussi.

C’est la réponse collective à l’expansion des acteurs extractivistes et criminels qui cherchent à exploiter la terre mère et à expulser les peuples qui s’y opposent.
Pour mieux connaître ces processus en cours nous dialoguons avec Vladimir Pinto qui conseille depuis vingt ans des organisations amazoniennes et andines du Pérou et qui a suivi de près le processus de construction des autonomies ainsi que les débats concernant les critères adoptés par les peuples. Il ajoute que “nous avons entamé le dialogue avec les peuples de l’Amazonie sud, à la frontière avec le Brésil, en particulier avec les Shipibos qui réfléchissent à l’autonomie avec des caractéristiques très différentes de celles des peuples du nord.”

Le premier gouvernement autonome, le wampis, est né en 2015. Comment s’articule cette naissance avec la longue histoire des organisations amazoniennes et le Baguazo, en 2009, quand 5000 Wampis et Awajún furent expulsés alors qu’ils bloquaient des routes pour s’opposer au transport des hydrocarbures, provoquant plus de 30 morts ?
La relation provient de l’essence même du mouvement des Indiens amazoniens qui est le besoin de s’organiser pour survivre en tant que peuples, de conserver leur identité et leur culture mais surtout de garantir la défense de leurs territoires face à un ensemble d’acteurs qui ont progressivement gagné du terrain en Amazonie. Tous ces processus sont liés à la vie des peuples, à leur reconnaissance et à leur développement en tant que sujets politiques. Depuis la naissance même des organisations indiennes, il y a eu un processus de revendication de leurs identités, de défense de leurs espaces territoriaux, d’abord au niveau local puis plus largement, avec l’établissement d’alliances au niveau national et international.

Le Baguazo a mis en lumière ce processus et ces sujets collectifs confrontés au mépris systématique de l’État. Le Baguazo renforce le processus de naissance des gouvernements autonomes car il oblige à aller au bout des processus initiés après la confrontation brutale avec l’État. Ce n’est pas par hasard que les Wampis et les Awajún, présents à Bagua, soient aussi les peuples qui ont revendiqué les autonomies avec le plus de force. Mais cela est à mettre en lien aussi avec une construction historique initiée il y a longtemps. Ce sont les deux éléments, l’histoire et le Baguazo…
Raúl Zibechi

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