Agir avec les peuples oubliés ICRA International

+

Les «peuples racines» face au monde et au coronavirus

Les 6 000 peuples autochtones, qui tentent de survivre et de préserver leurs cultures à travers le monde, font partie des populations les plus vulnérables de la planète. Confrontés aux menaces sanitaires et à de multiples autres pressions, ces peuples, dont les droits ont été internationalement reconnus, sont toujours marginalisés. 
ITV de Patrick Bernard, président d’ICRA, sur Radio France Internationale.


Patrick Bernard est ethnographe, auteur, réalisateur et conférencier engagé depuis plus de quarante ans aux côtés des ethnies minoritaires et des « peuples racines » à travers le monde. Avec Visier Sanyü, historien naga, il fonde Icra International, un mouvement international de solidarité avec les peuples autochtones, puis il crée le Fonds mondial pour la sauvegarde des cultures autochtones, et la Fondation Anako.

RFI : Patrick Bernard, qui sont les peuples autochtones ?
Patrick Bernard : Les peuples autochtones ou peuples racines sont des premières nations, des ethnies minoritaires et des communautés autochtones descendant des premiers habitants des territoires conquis dans les 5 derniers siècles par les entreprises coloniales menées par les nations occidentales de la vieille Europe. Aujourd’hui, les peuples autochtones représentent environ 200 millions de personnes, soit 4% de la population mondiale, comprenant 6 000 peuples disséminés à travers la planète. Ils sont comme des touches de couleurs rebelles à l’uniformisation du monde dont l’existence est menacée et les droits bafoués. Ils sont victimes de la colonisation des terres, de la destruction des forêts nourricières, des pollutions environnementales, de la négation des cultures, des spiritualités et des identités socio-politiques. Une multitude de peuples oubliés qui subissent aujourd’hui le prosélytisme de religions qui n’acceptent pas la différence, l’invasion de leurs territoires par des colons, des firmes exploitant or, bois, pétrole, uranium, énergies hydroélectriques, détruisant l’environnement dont ils dépendent.

Pourquoi ces peuples sont-ils particulièrement vulnérables ?
La vulnérabilité de ces peuples est due au fait que, descendant pour la plupart de sociétés de chasseurs-cueilleurs itinérants, ils ne se sont jamais considérés propriétaires de la terre, mais plutôt appartenant à la terre de leurs ancêtres. Ce sont des sociétés de l’autosuffisance dont la devise pourrait être : « puiser sans épuiser », au contraire des sociétés de l’accumulation. La traduction des noms de ces ethnies veut presque toujours signifier « Homme vrai » ou « Homme véritable ». Un homme vrai respecte trois lois fondamentales : avoir été initié, protéger la terre de ses ancêtres et ne jamais la quitter pour aller envahir la terre des ancêtres d’autres peuples ou nations, ne jamais chercher à posséder la terre, l’eau et l’air ni s’attacher à aucune possession matérielle que ce soit.

L’homme véritable ne cherche donc jamais à posséder, il est initié, il protège la terre sur laquelle ses ancêtres ont vécu mais ne la possède pas. Le fait même de s’attacher aux biens matériels lui ferait perdre ce statut et le ramènerait au statut d’homme arriéré.  Les anciens de ces sociétés premières n’hésitent pas à qualifier l’homme blanc d’homme « primaire » ou « primitif », car il ne respecte aucune de ces trois règles de sagesse et de vie en harmonie avec la nature. Cette importante différence de conception de l’humain dans son environnement fait que les peuples autochtones sont extrêmement vulnérables face aux appétits insatiables des sociétés mondialisées de l’accumulation sur le modèle occidental pour qui la possession voire l’appropriation des âmes comme des terres affirme le statut et la domination sur l’autre...


‹ Go Back