Le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral calédonien est débattu à l’Assemblée nationale. Cette loi est comprise en Nouvelle-Calédonie comme une volonté d’en finir avec le processus de décolonisation engagé par l’accord de Nouméa. Résultat : une montée des tensions, des mobilisations multiples et puissantes dans tout le pays, et la menace d’un embrasement.
Le collectif Solidarité Kanaky en appelle aux parlementaires pour retirer ce projet de loi.
A la veille du vote à l’assemblée nationale, les manifestations des indépendantistes contre le dégel du corps électorat se sont multipliées ; routes bloquées ou barrages filtrants, grève très suivie au port et aéroport de Nouméa, fermeture de nombreuses administrations, feux allumés à différentes endroits, début de mutinerie dans la prison de Nouméa, heurts entre jeunes kanak et forces de l’ordre dans les quartiers populaires, nombreux blessés et arrestations en masse.
C’est dans ce contexte insurrectionnel qu’aura lieu le vote à l’assemblée national ce 14 mai portant sur le dégel du corps électoral.
Pour tenter d’arrêter ce processus dangereux pour l’avenir du peuple kanak, les élus du congrès de Nouvelle Calédonie se sont réunis ce lundi 13 mai et sont parvenu à adopter, à la majorité, une résolution demandant le retrait de ce projet de loi sur le corps électoral. Les élus rappellent à l’État qu’ils sont majoritairement conte ce projet de loi.
30 ans après l’Accord de Nouméa, ainsi que du transfert des compétences et leur rééquilibrage, les inégalités restent très importantes, le non respect de la priorité à l’emploi local : dans beaucoup de secteurs, ce sont les métropolitains récemment arrivés en Nouvelle Calédonie, du fait de conditions attractives (niveau de salaire et indexation, avantages en terme de logement ou de soutien à l’installation), qui occupent des postes au détriment des travailleurs Kanak à compétences égales. Ainsi se perpétue une longue tradition de privilèges offerts aux Français partant travailler en Outre- mer.
Des conditions qui permettent de renforcer la colonie de peuplement qu’a toujours représenté pour l’État français ce territoire du Pacifique. Cela en violation totale du droit international. En effet, la Kanaky/Nouvelle-Calédonie reste un territoire non autonome au regard du droit international, à ce titre inscrit sur la liste des pays à décoloniser selon la résolution 15-14 des Nations Unies.
L’Accord de Nouméa est un accord de décolonisation.
Il prévoyait 3 consultations référendaires d’autodétermination. Le deuxième référendum avait montré, en 2020, une poussée des voix indépendantistes : à seulement 9000 voix près, le « Oui » à la pleine souveraineté de la Nouvelle Calédonie était majoritaire.
Les conditions du troisième et dernier référendum, fin 2021, sont aujourd’hui toujours contestées par l’ensemble des courants indépendantistes, lesquels avaient demandé suite à l’épidémie du Covid et au confinement qui empêchait toute campagne, le report de la consultation et le respect tant de la promesse d’Édouard Philippe de le tenir en 2022 que de la période de deuil kanak. Ce 3ème référendum n’est pas reconnu par les indépendantistes qui n’ont pas participé au vote. Une plainte est prévue à ce sujet auprès de la Cour Internationale de Justice.
Aujourd’hui, le gouvernement français a décidé de passer en force. Il présente unilatéralement deux projets de lois sur l’avenir institutionnel de la Kanaky/Nouvelle- Calédonie qui mettent en jeu l’avenir du peuple Kanak, et la stabilité du pays. Ils visent une sortie dans des conditions très contestées et non consensuelles de l’Accord de Nouméa, avec pour conséquence une aggravation considérable des clivages.
Le premier projet de loi concernant le report des élections provinciales a été adopté en mars dernier, le second vise à modifier la constitution est central dans l’Accord de Nouméa, aucune modification ne devrait être faite par une décision unilatérale de l’État, sans un accord global entre les forces politiques locales.
Ces projets de lois renouent avec les pratiques éprouvées de mise en minorité du peuple Kanak dans son propre pays, au profit d’une droite locale qui voudrait par une modification des sièges au Congrès de Nouvelle-Calédonie y trouver une majorité en sa faveur.
L’État s’engage dans une modification brutale de toute l’organisation de la vie démocratique de la Nouvelle-Calédonie. C’est une façon de favoriser la recolonisation du territoire et l’invisibilisation du peuple Kanak !
En réponse, en Kanaky/Nouvelle-Calédonie les mobilisations s’amplifient contre ces deux projets de lois. Plus de 80 000 personnes dans la rue le 13 avril dernier sur tout le territoire. Des mobilisations historiques qui sont impulsées par la CCAT (Cellule de Coordination des Actions de Terrain,) qui regroupe l’ensemble des courants indépendantistes. Les objectifs sont clairs : la demande du retrait du projet de loi sur le dégel du corps électoral, la non reconnaissance du 3ème référendum, et la poursuite de la trajectoire de décolonisation.
Ce passage en force de l’État français rappelle de tristes souvenirs et favorise une dynamique de tensions extrêmement dangereuse…