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En août 2021, les Zapatistes débarqueront en Europe

Après 500 ans de colonisation du Mexique, les Zapatistes, communautés indigènes du Chiapas qui construisent leur autonomie depuis le soulèvement de 1994, ont décidé de traverser l’océan Atlantique.
Cette grande délégation constituée en majorité de femmes sera la voix des communautés autochtones du Mexique qui n’ont toujours pas été conquises. Les Zapatistes viennent également rencontrer les luttes européennes sur leurs territoires afin de tisser des alliances et partager des convictions et énergies communes : la défense de la vie, l’autonomie politique et le combat contre toutes les formes de domination.
Une partie de la délégation devrait arriver en bateau, par l'océan, et l'une des destinations et des dates clairement évoquées est Madrid, le 13 août 2021, 500 ans jour pour jour après la chute de la capitale de l'Empire aztèque et le début officiel de la colonisation des terres mexicaines, rebaptisées alors “Nouvelle Espagne”.

Communiqué de l’EZLN : Une déclaration… pour la vie.

“1er janvier 2021. Aux peuples du monde. Aux personnes qui luttent sur les cinq continents :

Frères, sœurs, compañer@s,

Nos différences et les distances entre nous viennent des terres, des cieux, des montagnes, des vallées, des steppes, des déserts, des océans, des lacs, des rivières, des sources, des lagunes, des races, des cultures, des langues, des histoires, des âges, des géographies, des identités sexuelles ou pas, des racines, des frontières, des formes d’organisation, des classes sociales, des capacités financières, du prestige social, de la popularité, des followers, des likes, des monnaies, des niveaux de scolarité, des manières d’être, des préoccupations, des qualités, des défauts, des pours, des contres, des mais, des cependant, des rivalités, des inimitiés, des conceptions, des argumentations, des contre-argumentations, des débats, des différends, des dénonciations, des accusations, des mépris, des phobies, des philies, des éloges, des rejets, des abus, des applaudissements, des divinités, des démons, des dogmes, des hérésies, des goûts, des dégoûts, des manières d’être, et un long etcetera qui nous rend différents et bien des fois nous oppose. 

Il n’y a que très peu de choses qui nous unissent :

Faire nôtres les douleurs de la terre : la violence contre les femmes, la persécution et le mépris contre les différentEs dans leur identité affective, émotionnelle, sexuelle ; l’anéantissement de l’enfance ; le génocide contre les peuples originaires ; le racisme ; le militarisme ; l’exploitation ; la spoliation ; la destruction de la nature.

Comprendre que le responsable de ces douleurs est un système. Le bourreau est un système exploiteur, patriarcal, pyramidal, raciste, voleur et criminel : le capitalisme.

Savoir qu’il n’est pas possible de réformer ce système, ni de l’éduquer, de l’atténuer, d’en limer les aspérités, de le domestiquer, de l’humaniser.

S’être engagé à lutter, partout et à toute heure – chacune là où on se trouve – contre ce système jusqu’à le détruire complètement. La survie de l’humanité dépend de la destruction du capitalisme. Nous ne nous rendons pas, nous ne nous vendons pas, nous ne titubons pas.

Avoir la certitude que la lutte pour l’humanité est mondiale. De même que la destruction en cours ne reconnaît pas de frontières, de nationalités, de drapeaux, de langues, de cultures, de races, la lutte pour l’humanité est en tous lieux, tout le temps.

Avoir la conviction que nombreux sont les mondes qui vivent et qui luttent dans le monde. Et que toute prétention à l’homogénéité et à l’hégémonie attente à l’essence de l’être humain : la liberté. L’égalité de l’humanité se trouve dans le respect de la différence. C’est dans sa diversité que se trouve sa ressemblance.

Comprendre que ce n’est pas la prétention d’imposer notre regard, nos pas, nos compagnies, nos chemins et nos destins qui nous permettra d’avancer, mais la capacité à écouter et à regarder l’autre qui, distinct et différent, partage la même vocation de liberté et de justice.

De par ce qui nous unit, et sans abandonner nos convictions ni cesser d’être ce que nous sommes, nous nous sommes mis d’accord pour :

Premièrement.- Réaliser des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre personnes qui sommes engagées, à partir de différentes conceptions et sur différents terrains, dans la lutte pour la vie. Après, chacun continuera son chemin, ou pas. Regarder et écouter l’autre nous y aidera peut-être, ou pas. Mais connaître ce qui est différent, c’est aussi une partie de notre lutte et de notre effort, de notre humanité.

Deuxièmement.- Que ces rencontres et ces activités se réalisent sur les cinq continents. Qu’en ce qui concerne le continent européen, elles se concrétisent durant les mois de juillet, août, septembre et octobre 2021, avec la participation directe d’une délégation mexicaine formée par le Congrès National Indigène-Conseil Indigène de Gouvernement, le Front des Villages en Défense de l’Eau et de la Terre des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, et par l’Armée Zapatiste de Libération Nationale. Et que nous aiderons selon nos possibilités à ce qu’elles se réalisent, à des dates postérieures encore à préciser, en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.

Troisièmement.- Inviter les personnes qui partagent les mêmes préoccupations et des luttes similaires, toutes les personnes honnêtes et tous les en-bas qui se rebellent et résistent dans les nombreux recoins du monde, à rejoindre, à contribuer, à soutenir et à participer à ces rencontres et activités ; et à signer et à s’approprier cette déclaration POUR LA VIE.
Depuis l’un des ponts de dignité qui unissent les cinq continents.
Nous.
Planète Terre.
1er janvier 2021.
Depuis des recoins du monde divers, disparates, différents, dissemblables, distants et distincts (en art, science et lutte, résistance et rébellion)”


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